La dernière nuit d’Arsinoé
Arsinoé IV, sœur cadette de la grande Cléopâtre, fut tour à tour reine d’Egypte, esclave de Rome et réfugiée du Temple d’Artémis à Éphèse (actuelle Turquie), une des Merveilles du monde antique. Elle y trouva la mort très jeune, assassinée sur ordre de Marcus Antonius. Sa sépulture a été retrouvée et a permis des découvertes importante sur la dynastie des Lagides et notamment sur l’origine de la dernière pharaonne d’Egypte.
Moins célèbre que sa sœur aînée, injustement méconnue, Arsinoé est le personnage central d’une pièce de théâtre de Violaine Darmon. Quel peut être le profil psychologique d’une aussi jeune fille au vécu extraordinaire, réfugiée d’un temple normalement inviolable, mais condamnée à mort ou à l’esclavage au-delà de son enceinte ?
ARSINOE : Ô, Artémis ! que le monde est gris malgré son aveuglante clarté… Le soleil brille insolemment, le ciel affiche une imperturbable couleur de saphir, et moi je suis seule… Toutes ces tortures morales sont vaine ; il faudrait pouvoir vivre uniquement par les sens, non par le cerveau ! J’ai essayé de ne penser qu’à la douceur de l’air effleurant ma peau, qu’au parfum vibrant des violettes sauvages, au chant estival des criquets, aux reflets mauves de la mer et au goût juteux des raisins… Chaque fois que j’y parvenais, une petite voix aiguë interrompait mes plaisirs et me susurrait l’histoire de ma vie passée. Alors la mort platonique que je désirais laissait place à une cascade de vie qui me précipitait plus sûrement au fond du gouffre. Peut-être ai-je une défense naturelle et héréditaire contre la tranquillité ?